La singulière tristesse du gâteau au citron

C'est quoi le pitch? Et si on pouvait ressentir des émotions en mangeant? Décrire l'état d'esprit de la personne qui a cuisiné? C'est la particularité qui affecte Rose le jour de ses neuf ans. Sa maman lui concocte son dessert préféré, le gâteau au citron, mais ce jour-là, le goût est différent, mêlé de désespoir, ce qui va bouleverser cette petite fille, membre d'une famille dotée de pouvoirs différents.

Mon avis : Hum... Spécial. Un roman qui se démarque des autres, parfois un peu dérangeant, implicite, parfois touchant tant les émotions sont si bien dépeintes. Un roman un peu inclassable, du style "L'écume des jours" de Boris Vian, un OVNI littéraire. On est dans un monde réaliste qui sombre peu à peu dans un fantastique sombre. Rose porte ce don comme un fardeau avec lequel elle devra vivre. Imaginez que votre nourriture soit insipide, que l'empathie s'empare de vous à chaque bouchée parce que la personne qui a cuisiné était triste, en colère... ?Manger est essentiel pour vivre, et si on ne peut apprécier ce que l'on avale, ça peut mal tourner. Il y a une scène très violente où Rose pète littéralement un câble : le goût est si insupportable à ses papilles qu'elle vomit toutes ses tripes, qu'elle veut s'arracher la bouche.

Je ne sais pas ce que ça donnerait si on en faisait un film. Le "don" de son frère est encore plus étrange, j'avoue que j'ai eu beaucoup de difficultés à l'imaginer. J'ai eu l'impression qu'il pouvait devenir invisible, ou plutôt se fondre dans la masse, tel un caméléon. A un moment, il est assis sur une chaise, mais il EST en même temps cette chaise. Rose ne voit plus les pieds de son frère, mais les pieds de la chaise. Son corps s'est comme fondu dans le décor. Et plus le temps passe, plus il disparaît... pour ne plus revenir.

L'écriture est délicate, l'idée originale... Je ne sais pas à quoi je m'attendais avant de plonger dans ce roman, mais certainement pas à "rester sur ma fin (ou faim, pour le coup)". Ce n'est pas une histoire très joyeuse, l'intrigue est plus mélancolique qu'autre chose et je le déconseillerais à toute personne dépressive ou trop sensible. On se dit que, doté d'une telle particularité, il sera difficile d'être heureux, de vivre avec. Si on considère que ces singularités sont, métaphoriquement parlant, l'équivalent des maladies peu communes dont nous pouvons ressentir les symptômes, ce roman ne donne pas de remède pour vivre avec. Il ne dit pas que c'est impossible, mais qu'on ne peut être comme les autres, et qu'il sera éprouvant de vivre avec au quotidien.

Je m'arrête rarement de lire un livre parce que l'histoire me plaît moyennement (je vous laisse imaginer le nombre de livres où j'aurais pu m'arrêter au bout de quelques pages, et qui finalement étaient surprenants - on ne peut juger un livre qu'en le lisant du début à la fin). Je pense que tout livre contient des éléments positifs qui doivent être mis en avant. Pour ce roman, je retiendrais l'originalité de l'intrigue (mais si j'étais écrivain, je l'aurais rédigé autrement, il est trop mélancolique à mon goût), et l'écriture subtile de l'auteure.

  • La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimee Bender, éditions de l'Olivier.
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