Au revoir là-haut

C'est quoi le pitch? 1918, l'armistice est sur le point d'être signé. Albert, jeune soldat au front, manque de peu de mourir enseveli, sauvé in extremis par un autre soldat, Edouard. Albert s'en sort indemne, Edouard en gueule cassé, sa mâchoire inférieure ayant été déchiquetée par un obus. Edouard choisit de se faire passer pour mort, et avec la complicité d'Albert, ils vont mettre en place une escroquerie scandaleuse au lendemain d'une guerre dont le bilan humain est lourd.

Mon avis : Prix Goncourt 2013, Pierre Lemaître a réalisé une oeuvre absolument captivante et horrifiante. C'est un pavé de plus de 500 pages, mais qui se lit très bien et très vite. Emportée dans l'intrigue, et par le suspense (on se demande où il veut emmener ses personnages), on ne lâche plus ce roman, en partie basé sur des faits réels. L'escroquerie qu'Albert et Edouard fomentent est purement fictive, mais j'ai appris que l'exhumation des corps, pour leur donner une sépulture décente, relevait de la réalité. Je vous laisse découvrir ce fait, peu connu du grand public, mais quand on apprend que l'Etat a payé des sociétés privées pour s'en occuper, et que le travail a été mal fait, le but étant de s'enrichir (profit, profit, toujours), on comprend que ce genre de scandale reste caché dans les fonds de tiroirs.

Les personnages sont touchants, d'autres sont de vraies pourritures, et on peut ne pas comprendre les motivations de chacun. Surtout que Edouard et Albert ont fait la guerre. Mais pour Edouard, brisé, c'est une sacrée revanche.

Le titre du livre, qui peut paraître un peu étrange de prime abord, est chargé de significations : l'auteur essaie-t-il de nous dire qu'il faut tourner la page? La première guerre mondiale a marqué les esprits, difficile d'aller de l'avant pour ceux qui l'ont vécue. D'ailleurs, les personnages n'y parviennent pas vraiment. Albert est hanté par sa peur d'être enterré vivant, et par son supérieur qui a cherché à le tuer ce jour-là, en provoquant délibérément une explosion. La vie d'Edouard s'est arrêtée ce jour-là, même si le destin en a décidé autrement, et donc, d'une certaine façon, lui disait "au revoir là-haut", les cieux refusant de l'accepter, comme si on le punissait de son excentricité et de son homosexualité.

Ce roman est moins drôle et léger que ceux qui j'ai l'habitude de vous présenter, mais je varie mes lectures, et je vous le conseille vivement, historien(nne) ou pas.

  • Au revoir là-haut, Pierre Lemaître, éditions Albin Michel.
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