C'est quoi le pitch ? Annie a 10 ans quand elle surprend une conversation et apprend qu'elle n'est pas fille unique. Ses parents ont eu un autre enfant avant elle, une fille aussi. Mais, par pudeur et/ou refus d'aborder le sujet, ses parents ne lui diront jamais qui fut cette sœur qu'elle ne connaîtra jamais, morte à l'âge de 6 ans. 

3 raisons de lire ce livre : 

Ecrire une lettre pour se libérer du poids du secret. Façon originale mais peut-être thérapeutique pour Annie Ernaux, à qui on a caché l'existence d'une grande sœur. Une révélation qui lui fait comprendre qu'elle est l'enfant de substitution, moins gentille que la première. Mais pas mal aimée pour autant, non. La peur de la perdre tenaillait ses parents à chaque blessure ou maladie, comme s'il revivait la perte de leur fille disparue Ginette, morte de diphtérie. La phrase la plus marquante de cette lettre, la conclusion d'Annie Ernaux, pour justifier son existence, est celle-ci : "Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence". Une phrase coup de poing que l'on peut comprendre ou pas. 

Vivre avec des non-dits : un poison pour l'âme? Annie ne cessera de se poser des questions sur cette grande sœur dont on lui a dit si peu de choses et qu'elle n'a vu que sur quelques photos. Cette révélation aura eu un impact sur son enfance, sur la construction de sa personnalité. Est-ce que ses parents, leurs parents, comparaient leurs deux filles? Annie est parvenue à vivre avec ce secret sans jamais aborder le sujet avec ses parents. Maintenant qu'ils ne sont plus là, elle ressent tout de même ce besoin d'en parler avec eux. Un besoin infime, mais cette lettre prouve bien que ce secret a jalonné son existence et a été difficile à accepter. 

Verdict : Un petit roman épistolaire troublant car trop intime ou une délivrance, une thérapie pour Annie Ernaux? Il s'agit du premier roman d'Annie Ernaux que je lis, mais d'après mes premières recherches, elle écrirait beaucoup sur sa vie, donc cela est peut-être important pour elle de partager son vécu publiquement. Tout de même, cette lettre peut nous sembler trop intimiste pour être publiée. L'aurait-elle écrite et éditée du vivant de ses parents? Rien n'est moins sûr. Mais son témoignage, je pense, peut faire écho à d'autres personnes. La mort d'un enfant est quelque chose de tellement déchirant pour des parents, que  l'on conseille à un couple de ne pas abandonner et de donner à nouveau la vie. J'ai du mal à l'exprimer mais si vous connaissez des gens dans cette situation, vous me comprenez. Rien n'efface celui ou celle a existé et qui a disparu, c'est pourquoi le cacher ou refuser d'en parler peut être destructeur pour l'enfant conçu après, comme l'a été Annie. Un sujet sur lequel il est difficile d'écrire, mais qu'Annie Ernaux a su aborder dans une jolie et bouleversante lettre. 

  • L'autre fille, Annie Ernaux, éditions Nil (2011)
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